Les réseaux font partie de ces termes empruntés au vocabulaire des sciences naturelles et techniques, aux contours souvent mal définis, dont les sciences sociales se sont saisies pour penser les transformations économiques et sociales de ces dernières décennies. Le caractère protéiforme de la notion lui a valu un succès grandissant dans l’ensemble des disciplines, des sciences cognitives à l’économie, en passant par la science politique, la sociologie, l’anthropologie, l’histoire et le droit. Ce séminaire propose d’interroger les fondements épistémologiques et la variété des utilisations empiriques du concept, tout en précisant la spécificité de ses acceptions et usages dans différentes disciplines. Se plaçant dans une perspective pluridisciplinaire et transnationale, il vise le dialogue entre une diversité d’approches méthodologiques et de points de vue.
Abordés sous l’angle de l’avènement d’une société de l’information dans les travaux fondateurs de Manuel Castells, les réseaux peuvent être appréhendés à travers les rapports entre techniques, communication et société. Plus largement, ils posent la question de l’articulation entre entités individuelles et structures collectives. Se distinguant des approches en termes de groupe ou de communauté, l’approche par les réseaux contribue à renouveler la question du collectif en plaçant au premier plan la dimension relationnelle entre des entités individuelles, que celles-ci renvoient à des personnes, des groupes informels (réseaux de sociabilité par exemple) ou formels (associations, institutions, entreprises). La distance physique, la labilité, la constitution par projets, l’extension à géométrie variable et la reconfiguration flexible constituent autant de caractéristiques de ce mode particulier de structuration relationnelle. Intégrant les contraintes de mobilité et de distance, mais également les contraintes technologiques, les réseaux sont susceptibles d’associer tout à la fois des personnes et des objets, des environnements matériels et immatériels.
En mettant en évidence un ensemble complexe de relations, les réseaux déplacent l’analyse des individus et de leurs attributs vers leurs interactions dans des environnements spécifiques, de même que vers les effets de ces interactions sur les comportements individuels et les dynamiques collectives. Comme moyen de gestion de la distance physique, les réseaux engendrent des formes de coopération fondées sur la confiance et la loyauté. Mais le cas des communautés virtuelles, souvent éphémères, montre que ces qualités ne sont pas données d’avance et qu’elles peuvent, à chaque moment, être remises en jeu. À partir de là, il devient nécessaire de repenser certaines catégories fondamentales des sciences sociales comme les notions de sociabilité et d’intersubjectivité.
Parce qu’ils désignent, sur un plan empirique, les formes nouvelles d’organisation d’un monde en transformation, les réseaux pointent, sur un plan théorique, les limites des outils et des paradigmes existants. Se positionnant entre individualisme méthodologique et holisme, entre le paradigme atomisé du marché et le paradigme institutionnaliste de l’Etat, l’approche par les réseaux renouvelle les modes de gouvernance tant politiques qu’économiques et, ce faisant, reformule la question de l’articulation entre sphères privées et publiques. Sur le plan juridique, les enjeux de la codification d’un objet labile souvent éphémère, aux contours changeants et instables, sont également de taille.
Mais peut-on pour autant considérer le réseau comme un paradigme des sciences sociales et la société réticulaire comme projet politique ? Ce séminaire voudrait ouvrir un débat interdisciplinaire autour de ces questions et offrir la possibilité à des doctorants et jeunes chercheurs de discuter, à travers la présentation de travaux empiriques, de leurs propres usages de la notion et des problématiques qui s’y réfèrent.
Les contributions s’articuleront autour des thèmes suivants :
• Les réseaux : nouveau paradigme des sciences sociales ? (enjeux théoriques et méthodologiques du concept)
• Réseaux, cognition et médium technique (technologies nouvelles et anciennes et formes de connaissance)
• Entreprises et marchés en réseau (relations de propriété, de pouvoir – interlocking directories – de sous-traitance ou de vente, formes de management, etc.)
• Réseaux, formes de coopération et de gouvernance (règles et conventions, codifications juridiques, rapports de force et relations de pouvoir, etc)
• Réseaux et sociabilités (sexualité, amitié, solidarités, formes de consommation, etc)
• Réseaux, pratiques culturelles, académiques et religieuses (mouvements artistiques, écoles de pensée, sectes, organisations secrètes, etc)

Déroulement : Le séminaire se déroulera du mercredi 14 au samedi 17 septembre 2005 après-midi. Chaque demi-journée commencera par la conférence d’un(e) spécialiste, suivie d’une session consacrée à la présentation de leurs travaux par les participants.
Public : Le séminaire s’adresse à 25 jeunes chercheurs doctorants ou post-doctorants de toutes nationalités, travaillant ou non dans une logique comparatiste, traitant ou non d’un terrain français ou allemand. Les langues de travail seront le français et l’allemand. Chacun s’exprimera dans sa langue de prédilection, mais devra être en mesure de comprendre l’autre langue.
Lieu : Le Moulin d’Andé, Eure (gare la plus proche : Val-de-Reuil)
Candidature : La sélection des participants se fera sur la base du formulaire de candidature à télécharger sur le site du CIERA, accompagné d’un curriculum vitae, d’une présentation de leurs travaux de recherche et d’un projet de contribution en relation avec le thème du séminaire.
Date limite de réception des dossiers : 16 mai 2005.
Frais : 15 € (frais d’inscription). Les frais de voyage (train 2e classe ou avion billet APEX) et de séjour sont entièrement pris en charge par le CIERA.