Après le colloque RICHIE I qui s’est tenu à Paris les 31 mars et 1er avril 2005, le colloque RICHIE II a migré au Danemark (pour plus d’informations : http://www.europe-richie.org/). Il a été organisé à l’université de Copenhague par trois jeunes chercheurs, Morten Rasmussen (Copenhague), Ann-Christina Knudsen (Aarhus) et Jens Runge Poulsen (Copenhague), avec le soutien et sous la responsabilité scientifique des professeurs Karl-Christian Lammers (Copenhague) et Johnny Laursen (Aarhus), du 7 au 10 décembre 2006. Le comité scientifique dirigé par le professeur Lammers était constitué de huit professeurs dont la moitié avaient déjà fait partie du comité scientifique du colloque RICHIE I. (pour plus d’informations : http://www.ku.dk/priority/Europe/Activities/konference_the_road/index.asp)
Enfin et surtout, ce colloque a permis à 23 jeunes chercheurs provenant de 9 pays différents de présenter leurs recherches.
La thématique du colloque, «La voie vers l'Europe unie - Les interprétations du processus de l'intégration européenne» était large afin de regrouper des chercheurs provenant d’horizons variés autour de cinq thématiques.
La première insistait sur le caractère mobilisateur et fédérateur de l’idée européenne. Il a été illustré par des contributions de Carol Bergami sur Proudhon, de Lucia Bonfreschi sur de Gaulle et Jean Monnet, de François-Xavier Lafféach sur les actions de sensibilisation des jeunes européens fédéralistes et de Niklas Rossbach sur Heath et l’année de l’Europe.
La seconde thématique se proposait de revisiter la problématique d’Alan Milward : «Europe as the rescue of the nation-state». Elle a été illustrée par des papiers d’Anders Thornvig Sørensen sur la PAC, de Ferdinand Leikam sur la Grande-Bretagne, le Commonwealth et la CEE (1957-63), de Henning Türk sur la politique européenne de la Grande coalition (1966-69), de Giuliano Garavini sur la quête européenne d’un nouvel ordre économique mondial après le choc pétrolier de 1973 et de Simone Paoli sur les tentatives françaises de promouvoir l’utilisation du français à l’échelle européenne. La plupart de ces contributions et des discussions qui ont suivi ont abouti à souligner l’intérêt de l’approche du grand historien britannique mais aussi ses limites: il est impossible d’en faire une doctrine explicative universelle, ce qu’Alan Milward lui-même n’a d’ailleurs jamais prétendu.
Une troisième thématique insistait sur une problématique qui devrait devenir de plus en plus importante, celle du lien entre intégration européenne et globalisation. Thomas Fetzer a présenté une synthèse de sa thèse de doctorat récemment soutenue sur les syndicats britanniques et allemands de l’automobile. Simone Selva est intervenu sur les États-Unis et la reconstruction de l’Europe.
De manière plus classique, la quatrième approche assimilait l’intégration européenne à un élément de la politique étrangère traditionnelle. L’article de Philip Bajon sur la chaise vide a illustré cette idée et est parvenu à renouveler un sujet déjà étudié à de nombreuses reprises. La contribution de Guia Migani sur la politique européenne de coopération avec l’Afrique dans les années soixante démontre l’ambiguïté des notions de politique étrangère nationale et européenne. Helen Parr a dévoilé un aspect peu connu des négociations d’entrée du Royaume-Uni dans la CEE, le dossier de la défense. De nombreuses études enfin, se sont concentrées sur les années 1973-75 et ont profité de l’ouverture d’archives récentes sur l’année de l’Europe (Aurélie Gfeller) et sur le processus qui a mené à la conférence d’Helsinki de 1975 (Angela Romano, Kimmo Elo) pour croiser l’histoire de l’intégration européenne et l’histoire des relations internationales.
Enfin, le dernier angle d’approche adopté a été celui des dynamiques institutionnelles, afin d’étudier ce que les institutions européennes apportent aux processus de décisions antérieurs. Les années soixante commençent à être bien connues grâce aux nombreux fonds nationaux et européens désormais disponibles. Alexander Reinfeldt a présenté une synthèse de sa thèse de doctorat sur la politique de communication des institutions européennes envers l’opinion britannique de 1952 à 1972. Katja Seidel a identifié une culture administrative spécifique à la DG agriculture grâce au croisement entre sources écrites et archives orales.
L’ouverture des archives du début des années 1970 permet également d’étudier l’origine de nombreuses réalisations communautaires comme la politique de l’environnement (présentée par Laura Scichilone), la coordination des politiques étrangères (Davide Zampoli), ou le rôle de la France dans la naissance du Conseil européen en 1974 (Emmanuel Mourlon-Druol). Enfin, Federica Di Sarcina a montré qu’histoire de l’intégration européenne et gender studies pouvaient cohabiter harmonieusement à travers son étude de la commission des droits de la femme du Parlement européen.
Remarquablement organisée, cette conférence très stimulante a permis d’illustrer le grand dynamisme de la recherche en histoire de l’intégration européenne. L’ouverture d’archives de plus en plus nombreuses permet dorénavant d’explorer des périodes où les discussions théoriques ont laissé la place à des mises en œuvre concrètes, plus ou moins réussies. Cette conférence a également démontré, de part son découpage thématique, la grande diversité des approches existantes mais aussi l’ouverture d’esprit des chercheurs, soucieux de croiser les questionnements pour ne pas s’enfermer dans des chapelles doctrinales stérilisantes. La publication prévue aux éditions Peter Lang permettra de donner à cette conférence toute la diffusion qu’elle mérite.